Burkina Faso, Mali, Niger : La Confédération des États du Sahel annonce son retrait de la Francophonie, dénonçant une organisation biaisée

Dans une décision qui marque une rupture historique, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont officiellement annoncé leur retrait de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). À travers un communiqué signé par leurs chefs d’État, les trois pays sahéliens dénoncent une organisation qui, selon eux, a délaissé son rôle de promotion de la paix et du dialogue pour devenir un instrument de pression politique, appliquant des sanctions de manière sélective et arbitraire.

Un engagement de longue date avec la Francophonie

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont été des membres fondateurs de la Francophonie en 1970 et ont toujours contribué activement à ses initiatives, notamment en matière de diversité culturelle et de coopération linguistique. Pendant 55 ans, ces États ont consolidé leur place au sein de l’organisation, participant à son développement et à son rayonnement. Cependant, depuis les changements politiques dans ces pays, l’OIF a choisi une posture jugée hostile, suspendant ces États de ses instances, contrairement à d’autres pays également en transition politique mais bénéficiant d’un traitement

Une application sélective des sanctions : des poids, deux mesures

L’OIF justifie souvent ses sanctions par la nécessité de défendre l’ordre constitutionnel et les principes démocratiques. Pourtant, plusieurs cas récents illustrent une approche variable et incohérente :

  1. Le Gabon : une transition sans sanctions

Après le coup d’État d’août 2023 qui a renversé Ali Bongo, l’OIF n’a pas suspendu le Gabon de ses instances. Au contraire, l’organisation a maintenu son accompagnement technique et a même confirmé que le pays accueillerait le Sommet de la Francophonie en 2030. De plus, la Secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, a multiplié les visites officielles à Libreville pour encourager la transition, adoptant une posture bienveillante.

    2. La Guinée Conakry : suspension levée rapidement

    Après le coup d’État de 2021 ayant évincé Alpha Condé, la Guinée avait été suspendue de l’OIF. Mais, contrairement au Burkina Faso, au Mali et au Niger, cette suspension a été levée rapidement, permettant au pays de bénéficier de l’appui technique et financier de l’organisation. L’OIF soutient activement les projets institutionnels en Guinée et accompagne la transition, prônant un dialogue avec les autorités en place.

    3. Le Tchad : un traitement préférentiel malgré une transition militaire prolongée

    Depuis 2021, le Tchad est sous un régime de transition militaire dirigé par Mahamat Idriss Déby, après la mort de son père, Idriss Déby Itno. Malgré une prolongation de la transition et des élections sans garanties démocratiques immédiates, l’OIF n’a jamais suspendu le Tchad. Au contraire, l’organisation apporte un soutien technique et politique aux autorités tchadiennes, multipliant les missions d’accompagnement.

    Un rejet d’une ingérence jugée politisée

    Ces exemples illustrent une approche incohérente et biaisée de l’OIF, qui sanctionne certains pays tout en ménageant d’autres régimes militaires selon des considérations politiques et géopolitiques. C’est contre cette instrumentalisation que les chefs d’État de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Ibrahim Traoré (Burkina Faso), Assimi Goïta (Mali) et Abdourahamane Tiani (Niger) – ont décidé de rompre avec l’organisation.

    Dans leur communiqué, ils dénoncent une « attitude condescendante » et un « mépris de la souveraineté des peuples sahéliens », affirmant que l’OIF est devenue un « instrument politique téléguidé » plutôt qu’un espace de coopération.

    Un nouveau tournant pour l’AES

    Après leur sortie de la CEDEAO, cette décision renforce la volonté du Burkina Faso, du Mali et du Niger de redéfinir leurs alliances internationales et de privilégier des partenariats fondés sur le respect de leur souveraineté.

    Cette rupture pose désormais la question de l’avenir de la Francophonie en Afrique de l’Ouest, alors que l’organisation perd trois de ses membres historiques. Ce retrait enverra-t-il un signal à d’autres pays ? L’OIF pourra-t-elle regagner la confiance des États sahéliens ?

    L’avenir diplomatique du Sahel est en train de s’écrire, et ce retrait marque sans doute le début d’une nouvelle ère pour l’AES et ses relations internationales.

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